Stratégie d’analyse des risques SOBANE

Contexte

La loi sur le bien-être au travail et le Code du bien-être au travail exigent la réalisation d’une analyse des risques pour tout le personnel et la mise en place d'une gestion dynamique des risques permettant de diminuer les risques d’accidents et de maladies professionnelles. La mise en place d’une gestion dynamique des risques est rendue difficile par l’étendue et la diversité des matières concernées: sécurité (électricité, machines, incendie…), risques physiques (bruit, ambiances thermiques, vibrations…), risques liés aux produits chimiques et agents biologiques dangereux, troubles musculosquelettiques (TMS), risques psychosociaux (RPS),... 

Instaurer dans l’entreprise une culture participative permet aux membres du personnel de devenir les véritables acteurs de leur prévention et de celle de leurs collègues.

SOBANE

La stratégie SOBANE (Screening, OBservation, ANalyse, Expertise) est une démarche de gestion des risques professionnels développée dans le cadre de la gestion dynamique des risques. Elle est proposée et diffusée gratuitement par le SPF Emploi (www.sobane.be). 

Il s’agit d’une stratégie globale et participative comportant quatre niveaux d’intervention: Screening (= dépistage), Observation, Analyse, Expertise. 

Cette stratégie fait intervenir des outils, des méthodes, des moyens de plus en plus spécialisés, au fur et à mesure des besoins et recherche des solutions d'amélioration des conditions de travail à chaque niveau. Le recours au niveau suivant n'est d’ailleurs nécessaire que si la situation de travail reste inacceptable malgré les améliorations apportées. 

La stratégie permet dès lors d’utiliser les moyens et les compétences des travailleurs et de recourir, si nécessaire, à des spécialistes (au niveau Analyse) ou à des experts (au niveau Expertise). Elle se base sur le principe que, dans la majorité des cas, les personnes directement concernées dans l’entreprise peuvent prendre d'emblée des mesures de prévention parce qu’elles connaissent en détail les situations de travail. Après avoir mis en oeuvre les premières solutions envisagées, une étude détaillée peut s'avérer nécessaire dans certains cas. L’intervention d'experts n’est indispensable que dans quelques cas particulièrement complexes.

Niveaux d’intervention

Principes

• Primauté de la prévention: l’accent est mis sur la prévention des risques (et non pas sur la protection et la surveillance médicale)  
• Compétences complémentaires: travailleurs, management, préventeurs internes, médecins du travail, hygiénistes du travail, ergonomes, psychologues du travail, experts
• Travailleur = acteur principal de la prévention (et pas seulement objet de la prévention): il connait la situation de travail 
• Formation vs Assistance: Reconnaître explicitement la compétence des travailleurs et de leur management direct -> les former à se prendre en charge au lieu de les ‘assister’
• Approche globale ('tout est en tout'): Le travailleur "vit" sa situation de travail non comme un ensemble de faits distincts et indépendants mais comme un tout (le bruit influence les relations, l’organisation technique entre postes influence les risques musculosquelettiques, le partage des responsabilités influence le contenu du travail,...). Il faut donc tout replacer dans son contexte quel que soit le problème considéré au départ. 
• Vision préventive vs vision légaliste: Le but est non seulement de rester en dessous des valeurs légales, mais aussi de rechercher une situation de travail “légère, agréable et efficace techniquement”
• Evaluation vs mesures: privilégier les estimations. La quantification n'est nécessaire que dans certains cas bien spécifiques: recherche scientifique (relations dose-effet-réponse), calcul des indemnisations des maladies professionnelles, approfondissement d’un point particulier,…

Présentation générale 

Aux premiers niveaux, Dépistage et Observation, l’approche est participative et s’appuie sur la connaissance que les travailleurs concernés ont de leur situation de travail. Ceux-ci sont amenés à réfléchir sur les problèmes vécus et à envisager des solutions pour les résoudre.

Le niveau de Dépistage est réalisé quelle que soit la nature du problème (plainte, accident…). Il permet commencer une analyse globale de tous les risques et de remettre ainsi le problème dans son contexte et d’identifier d'autres aspects conditionnant la santé, la sécurité et le bien-être. Des solutions sont recherchées pour l'ensemble de la situation de travail. 

Les niveaux Observation, Analyse, Expertise ne sont menés que si le niveau précédent n'a pas réussi à résoudre le problème de manière totalement satisfaisante. La nécessité du passage aux autres niveaux dépend donc de la complexité de la situation de travail. 

Les moyens mis en œuvre pour la recherche de solutions sont peu coûteux aux deux premiers niveaux. Aux niveaux supérieurs, ils le sont plus et donc seulement utilisés lorsque c’est vraiment nécessaire. C’est pourquoi les niveaux Analyse et Expertise ne sont utilisés, si nécessaire, que pour les problèmes plus difficiles à apprécier et à résoudre. Ils sont approfondis avec l’aide et la collaboration de spécialistes (les conseillers en prévention) et d’experts (p.ex universitaires), complétant la connaissance pratique de la situation de travail des travailleurs par leurs connaissances techniques et scientifiques et leur expérience du terrain.

Tableau 1 Moyens et compétences nécessaires aux différents niveaux

Niveau 1 - Dépistage

Il s’agit ici seulement d’identifier les problèmes principaux et de remédier aux erreurs flagrantes telles que des trous dans le sol, des récipients contenant un solvant et laissés à l'abandon, un écran tourné vers une fenêtre… On parlera ici de ‘problèmes’ au sens général: à ce stade, il serait vain de requérir un usage rigoureux des termes risque, dommage, probabilité de survenue,... 

L’identification doit être réalisée de manière interne, par des personnes de l’entreprise connaissant parfaitement les situations de travail, même si elles n’ont pas ou peu de formation en matière de sécurité, de physiologie ou d’ergonomie. Un groupe formé de quelques travailleurs et de leur entourage professionnel (avec un conseiller en prévention si disponible) réfléchit aux principaux facteurs de risque, recherche les actions immédiates d'amélioration et de prévention et identifie ce qu'il faut étudier plus en détail.

Une personne au sein de l'entreprise est désignée pour coordonner le Dépistage et la mise en œuvre des solutions immédiates et la poursuite de l'étude pour les points à approfondir (niveau 2, Observation). Cette personne utilisera un des guides de concertation Déparis (Dépistage participatif des risques).

Guides Déparis

Les guides Déparis (Dépistage participatif des risques) correspondent au niveau de dépistage de la stratégie Sobane. 

Ces guides Déparis sont conçus pour être utilisés par les travailleurs et leur encadrement technique afin de faire le point le plus objectivement possible sur la situation de travail qui est la leur quotidiennement et qu'ils sont les seuls à bien connaître. Ils sont ainsi idéalement au centre de l'action de prévention, non pour donner leur avis ou répondre à des questions, mais pour débattre des détails pratiques permettant de réaliser le travail dans les conditions optimales pour eux et pour l'entreprise. 

Le guide aborde 18 facettes de la situation de travail: 

• 1. locaux et zones de travail 
• 2. organisation du travail 
• 3. accidents de travail 
• 4. risques électriques et risques d’incendie 
• 5. commandes et signaux 
• 6. matériel de travail, outils, machines 
• 7. positions de travail 
• 8. efforts et manutentions 
• 9. éclairage 
• 10. bruit 
• 11. hygiène atmosphérique 
• 12. ambiances thermiques 
• 13. vibrations
• 14. autonomie et responsabilités individuelles 
• 15. contenu du travail 
• 16. contraintes de temps 
• 17. relations de travail au sein du personnel et avec la hiérarchie 
• 18. environnement psychosocial.

L'ordre de ces rubriques a été étudié de manière à correspondre au mieux à la façon dont quiconque approche physiquement une situation de travail, allant du général au particulier, considérant l'organisation générale (n° 1 et 2), avant la sécurité (n° 3 et 4) et ce qui se passe directement aux postes de travail (les outils, les postures…) (n° 5 à 8). Les facteurs d'ambiance (n° 9 à 13), souvent abordés en premier lieu, ont été délibérément repoussés dans la liste afin de plus attirer l'attention sur les premiers points. 

Les facteurs psycho-organisationnels (n° 14 à 18) ont été gardés en dernier lieu. Au cours d’une réunion, la confiance doit s'établir avant d’aborder ces sujets plus sensibles. C’est pourquoi il est conseillé de lancer la discussion sur des sujets techniques plus “neutres”. 

Le guide Déparis est prévu pour une réunion de deux heures de travail. Il propose pour chaque rubrique une suite de points à discuter et esquisse en quelques mots ce qui est souhaitable. Les mots-clés, en gras, servent à guider la discussion, tandis que les recommandations, en plus petits caractères, aident la recherche d’actions d'amélioration concrètes et appropriées.

Le tout premier guide Déparis, la version 'mère', a été développé pour tous les secteurs d’activité. Afin d’augmenter son efficacité, cette version a été progressivement adaptée à différentes activités (guides Déparis 'filles'). Il existe actuellement 30 guides de Dépistage participatif des risques Déparis. Les guides couvrent différents secteurs d’activité (construction, secteur tertiaire, soins de santé, aide à domicile, enseignement, laboratoires, télétravail,...) et métiers (horeca, garages, boulangeries, boucheries,...). Les multiples situations de travail que rencontrent certaines grandes entreprises nécessitent l’utilisation de différents guides.
 

Niveau 2 - Observation

Les problèmes non résolus lors du Dépistage sont discutés de manière plus approfondie lors d’une réunion participative qui se focalise sur un problème bien précis: bruit, produits chimiques dangereux, risque incendie, aspects psychosociaux (relations internes, surcharge de travail, stress,...).

Le niveau 2 Observation requiert une connaissance intime de la situation de travail sous ses différents aspects, ses variantes, les fonctionnements normaux et anormaux. L’intervention d’un conseiller en prévention externe dépend de la situation de l’entreprise.

• L’employeur, dans une entreprise de moins de 20 personnes, devrait pouvoir identifier les principaux facteurs de risque au moyen du guide de concertation Déparis (niveau 1 Dépistage), mais devra généralement faire appel à un conseiller en prévention externe pour le niveau 2 Observation.
• Une entreprise de taille moyenne qui dispose d'un conseiller en prévention interne pourra assurer une part plus importante du travail d'Observation. Un service externe ne devrait intervenir qu'au niveau d'Analyse pour les études plus détaillées et plus spécifiques et/ou pour des avis plus spécialisés (p.ex. équipements de protection collective ou individuelle).
• Une grande entreprise aura intérêt à gérer le processus en interne.

La méthode doit rester simple à assimiler et à mettre en œuvre, rapide et peu coûteuse, de manière à pouvoir être utilisée le plus systématiquement possible par les travailleurs et leur encadrement technique avec la collaboration des conseillers en prévention internes éventuels. L’essentiel est de nouveau d'amener ces personnes à réfléchir sur leurs conditions de vie au travail en se focalisant sur l’aspect particulier qui pose problème (le bruit, les machines, les TMS…) et d'identifier au plus tôt des solutions de prévention.

Le coordinateur (de préférence le même) coordonne la mise en œuvre des solutions immédiates et la poursuite de l'étude (niveau 3 Analyse) pour les points difficiles à approfondir.

Un groupe (de préférence le même) de travailleurs et de responsables techniques (avec un conseiller en prévention, si disponible) se penchent plus en détail sur les conditions de travail afin d'identifier des solutions et déterminer ce pour quoi l'assistance d'un conseiller en prévention plus spécialisé et en général externe à l’entreprise est indispensable.

A défaut, l'utilisateur recueille les informations nécessaires auprès des travailleurs.

En conclusion, il faut à ce stade identifier les facteurs qui semblent représenter un risque important et qui sont à traiter en priorité et les facteurs a priori satisfaisants (et donc à garder comme tels). Des mesurages peuvent être réalisés si l’intervenant le souhaite et s'il en a la compétence et les moyens complexes.

Niveau 3 - Analyse 

Lorsque les niveaux de Dépistage et Observation ne permettent pas de ramener le risque à une valeur acceptable ou qu'un doute subsiste, il faut aller plus loin dans l’analyse de ses composantes et dans la recherche de solutions.

Cet approfondissement doit être réalisé avec l'assistance de conseillers en prévention ayant la compétence requise et disposant des outils et des techniques nécessaires. Ces personnes seront souvent (pour les PME) des conseillers en prévention externes à l'entreprise, intervenant en étroite collaboration avec les conseillers en prévention internes (et non en leur lieu et place) pour leur apporter la compétence et les moyens nécessaires.

La méthode requiert plus de rigueur dans l’usage des termes dommage, exposition, risque… Elle concerne la situation de travail dans des circonstances particulières déterminées au terme du niveau 2 Observation. Elle peut requérir des mesurages simples avec des appareils courants, ces mesurages ayant des objectifs explicitement définis de recherche des causes, d'optimisation des solutions, d'évaluation du risque résiduel…

Le point important de ce niveau est le recours à une aide généralement externe, un conseiller en prévention, ayant une formation suffisante pour la mise au point de solutions plus spécialisées et l’évaluation du risque résiduel dans ce domaine.

Le conseiller en prévention et le coordinateur repartent du travail réalisé aux niveaux précédents. La première tâche est donc de revoir les résultats du Dépistage mais surtout de l'Observation.

Les résultats de l’analyse sont discutés avec les intervenants des niveaux précédents et en particulier le coordinateur. Ils décident éventuellement du recours à un expert (Expertise) pour des mesurages sophistiqués et ponctuels.

Niveau 4 - Expertise

Ce niveau 4 Expertise est nécessaire lorsque des aspects très particuliers et très spécialisés demandent à être investigués.

L'étude doit être réalisée par les mêmes personnes de l'entreprise et conseillers en prévention, avec cependant l'assistance supplémentaire d'un ou de plusieurs experts spécialisés sur cet aspect particulier. Elle concerne des problèmes particulièrement complexes et requiert éventuellement des mesurages spéciaux.

Brochures Sobane : Observation, Analyse et Expertise par domaine de risque 

Il n’est pas toujours possible de trouver des solutions évidentes et concrètes. Si les problèmes persistent, il faudra approfondir les solutions ébauchées à l’occasion du Déparis. Le guide Déparis ne permet pas en effet de régler tous les problèmes en une réunion de deux heures. 

Les outils destinés au niveau Observation, Analyse et Expertise sont disponibles sous la forme de brochures consacrées à des domaines de risques spécifiques. Il existe 15 brochures Sobane couvrant chacune un domaine de risque particulier :

• Agents biologiques (en révision - non disponible)
• Ambiances thermiques de travail 
• Aspects psychosociaux
• Bruit 
• Éclairage
• Locaux sociaux
• Machines et outils à main
• Produits chimiques dangereux 
• Risques d'incendie ou d'explosion
• Risques électriques
• Sécurité (accidents, chutes, glissades…) 
• Travail avec écran 
• Troubles musculosquelettiques (TMS)
• Vibrations de l'ensemble du corps
• Vibrations mains - bras. 

Chaque brochure compte environ 100 pages et contient des fiches d’informations qui s’adressent à la fois aux non spécialistes (niveau d’Observation) et aux conseillers en prévention (niveau d’Analyse). Au niveau Expertise, la brochure explique en outre ce que les personnes du terrain peuvent attendre des experts qui seraient appelés à intervenir pour trouver une solution à des problèmes particulièrement complexes.

Les brochures SOBANE, développées en 2006, sont régulièrement mises à jour par le SPF Emploi. Même si une brochure SOBANE date de plusieurs années, les méthodes restent utiles, efficaces et donc à jour. Par contre les fiches d’aide à la fin des brochures peuvent ne plus être à jour, notamment les fiches ayant trait à la législation où, par exemple, les références vers les textes législatifs ne se réfèrent pas au code du bien-être au travail paru en 2017. C’est pourquoi, pour les références législatives, il est conseillé de se référer au site du SPF Emploi qui est mis à jour après toute nouvelle législation.

En pratique

La réunion Déparis aboutit à une vision d’ensemble des différents aspects de la situation de travail sous forme de smileys de trois couleurs mais surtout à une liste de mesures de prévention.

L'exemple ci-dessous est le résultat d'une réunion d'une durée de 2 heures, par 2 travailleurs, leur chef direct, le responsable de l'entretien et de la maintenance et le médecin du travail qui a joué le rôle de coordinateur Déparis. L'étude concerne 10 personnes travaillant dans une petite imprimerie. Les résultats sont présentés en utilisant les 18 rubriques de Déparis (tableau 2 - résultat détaillé pour les 6 premières rubriques et tableau 3 - synthèse). 

La liste des mesures de prévention comprend 42 actions dont 19 requièrent l'intervention d'une personne plus compétente (tableau 4).

Tableau 2 Etude Déparis dans une petite imprimerie - résultat détaillé pour les 6 premières rubriques
 

Tableau 3 Etude Déparis dans une petite imprimerie - synthèse 
 

Tableau 4 Synthèse des améliorations proposées et des aspects à étudier plus en détail