Contexte
Jusque dans les années 1980, les analyses d’accidents du travail se limitaient à la recherche des causes directes, des responsables et des coupables. C’est, en substance, ce que font encore aujourd’hui les inspecteurs du travail.
Petit à petit s’est cependant imposé le constat que cette méthode ne suffisait pas à prévenir les accidents: il fallait aussi tenir compte des causes sous-jacentes. ‘Encouragés’ par une série d’accidents catastrophiques dans les secteurs de l’aviation, de la pétrochimie, de l’énergie nucléaire et de l’industrie minière, entre autres (voir ‘List of accidents and disasters by death toll’ sur en.wikipedia.org), les grandes entreprises et grands instituts de recherche ont développé des méthodes pour identifier les mécanismes de causalité des accidents. Les pistes suivies aux États-Unis et en Europe divergent.
États-Unis
C’est à la fin des années 1960 que sont posées aux Etats-Unis les bases de l’arbre des défaillances (fault tree analysis). D’abord appliquée par l’U.S. Air Force, cette méthode est ensuite employée par la NASA et l’aviation civile. En 1990, elle est formellement retranscrite dans la norme internationale IEC 61025 - Fault tree analysis (Analyse par arbre de panne), avec des diagrammes compréhensibles et des calculs statistiques complexes. La méthode peut être utilisée tant pour les analyses des accidents que pour les analyses des risques. Elle est rapidement adoptée par les grandes entreprises, principalement pour la sécurité des processus, et dans une moindre mesure pour la sécurité du travail.
Europe
En 1967, la Communauté européenne du charbon et de l’acier demande qu’une méthode d’analyse soit élaborée pour les nombreux accidents graves survenus dans des exploitations minières.[1] C’est la première fois qu’un arbre des causes embryonnaire est utilisé en Europe. En 1970, la méthode est améliorée en France par Cuny et Krawsky.[2] Peaufiné à partir de 1976 par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS - France), il devient un instrument didactique resté pratiquement inchangé à ce jour.[3] Grâce à des conférences, des formations et des actions de sensibilisation menées par les CRAM locales (Caisses Régionales de l’Assurance Maladie), l’arbre des causes devient rapidement la norme pour les analyses d’accidents.[4] La quasi-totalité des conseillers en prévention français et de nombreux comités pour la sécurité et la santé sont formés à son utilisation.
En Belgique, dès le début des années 1980, l’entreprise sidérurgique Cockerill-Sambre analyse de nombreux accidents du travail en ayant recours à la méthode de l’INRS.
Au début des années 2000, des multinationales d’origine française (telles que Suez et Veolia) promeuvent l’arbre des causes au-delà des frontières du pays, par des formations ou en recommandant l’utilisation de la méthode dans leurs branches d’activités à travers le monde.
L’arbre des causes doit aussi son succès à la simplicité et à la clarté relatives de la méthode, ainsi qu’à son efficacité pour proposer des mesures, un aspect fortement apprécié par les directeurs.
En Belgique, la méthode a ses partisans dans de nombreuses entreprises, peut-être en partie grâce à la représentation graphique des accidents du travail graves dans un rapport détaillé, qui laisse une impression de professionnalisme à l’Inspection du travail.
L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris - France), l’organisation sœur de l’INRS qui étudie principalement les risques industriels, adopte également l’arbre des causes, mais sous une forme adaptée, plus proche de l’arbre des défaillances[5]. L’arbre des défaillances admet aussi bien les portes logiques ‘OU’ que ‘ET’ comme causes préalables à un événement ultérieur, tandis que l’arbre des causes n’admet que les portes logiques ET (toutes les conditions préalables doivent être remplies). Cette dernière approche exclut les hypothèses et restreint les résultats.