Phénomène lié au travail
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a repris le burn-out dans le CIM-11 (Classification internationale des maladies) en tant que phénomène lié au travail (occupational phenomenon) mais pas comme une maladie. Elle considère le burn-out comme un phénomène lié au travail: un syndrome résultant d’un stress chronique qui n’a pas été géré avec succès. Un burn-out entraîne un sentiment de fatigue, une attitude négative à l'égard du travail et une diminution de la productivité.
La version précédente de la CIM (CIM 10) reprenait déjà le burn-out (dans les ‘Troubles liés aux difficultés à gérer sa vie’). La version suivante de la CIM a donc élargi la définition et l'a spécifiquement liée au travail. Mais elle ne considère pas le burn-out comme une ‘véritable’ maladie distincte.
Sentiments mitigés
Toute l’agitation autour de la reconnaissance ou non du burn-out en tant que maladie traduit bien toute l’attention dont bénéficie ce phénomène de nos jours. Et mes sentiments sont mitigés à ce sujet. Je me suis replongé dans un article de blog que j’avais écrit en 2007: ‘More is more’. J’y regrettais déjà ne plus oser interroger les travailleurs sur leur charge de travail, parce que cela revenait à jeter de l’huile sur le feu. "Combien de temps cette situation sera-t-elle encore tenable?", me demandais-je alors. Je m’attendais à ce que ce feu couvant se transforme en un véritable feu de forêt. J’ai depuis lors développé une opinion plus nuancée. Je ne m’exprime pas très souvent à ce sujet, car il est assez sensible, et je ne tiens pas à m’y brûler les ailes. Cependant, je vais quand même m’y risquer aujourd’hui.
Je suis content que le burn-out ne soit pas officiellement reconnu comme maladie et que l’OMS prenne la peine de mettre les points sur les i. En effet, au cours des dernières années, nous avons assisté à une croissance presque exponentielle du nombre de signalements et de diagnostics de burn-out. La perception est qu’il s’agit d’une maladie provoquée par le travail. Cela me pose problème pour différentes raisons.
Attention = diagnostic
L’attention nourrit la bête. Plus on en parle, plus on la normalise, et plus le diagnostic est fréquent: ‘Vous vous sentez fatigué? Vous êtes facilement irritable? Vous trouvez vos collègues particulièrement ennuyants ces derniers temps? Hé, vous souffrez peut-être de burn-out. Trois travailleurs sont déjà ‘en burn-out’. Ne serait-ce pas une bonne idée de prendre un peu de recul pour réfléchir?’
Maladie = fatalisme
Si le burn-out était officiellement considéré comme une maladie, ce serait la cerise sur le gâteau. En effet, si vous êtes malade, il faut prendre le temps de guérir, non? Cela peut sembler contre-intuitif, mais le fait que le burn-out soit considéré comme une maladie qui vous frappe, peut apporter un certain réconfort. Un rôle de victime qui vous permet de lâcher prise, d’abandonner.
Et oui, bien sûr, la capacité de résistance n'est pas illimitée. Mais quand vous ne vous sentez pas bien dans votre peau, prendre un congé de maladie n'est pas la meilleure chose à faire. Vous vous isolez davantage, vous éprouvez davantage de sentiments négatifs à l'égard du travail et le seuil pour y revenir augmente sans cesse.
À l’époque, nous médecins, avons fait une erreur similaire avec les patients souffrant de lombalgies: ‘Douleurs dorsales? Restez alité! Laissez la douleur déterminer vos actes.’ Faux! C’est le pire conseil que l'on puisse donner. Les muscles s’affaiblissent et la douleur occupe une place centrale. Les patients guérissent beaucoup plus vite quand ils reprennent leurs activités aussi rapidement que possible. Il en va de même pour les symptômes de burn-out.
Un phénomène qui n’est pas insoluble
Reconnaître le problème comme un phénomène lié au travail est beaucoup plus efficace: vous ressentez un stress chronique au travail et ces sentiments ne sont pas gérés avec succès. C’est quelque chose auquel il est possible de remédier. Ce n’est pas une maladie qui vous frappe, mais un problème auquel vous pouvez vous attaquer vous-même.
L’employeur a naturellement aussi un rôle à jouer, une responsabilité à assumer. Une ambiance de travail toxique, une mauvaise gestion de la part des micro-managers, des tracasseries administratives: tout cela a un impact sur la santé mentale. Mais c’est le travailleur lui-même qui joue en fait le rôle principal dans cette tragicomédie. Car tout ce stress, toute cette souffrance, est dans notre tête. Nous choisissons nous-mêmes comment nous gérons la situation. Nous créons notre propre enfer.