Gardez la tête froide avec l’appli Predicted Heat Strain (PHS)

Evaluer l’exposition à la chaleur n’est pas une opération évidente. Ce texte compare les avantages et inconvénients de deux méthodes: la méthode classique WBGT et la méthode PHS. Si la méthode PHS est plus complexe, elle peut cependant, contrairement au WBGT, être utilisée pour l’analyse des risques. En outre, une appli rend son utilisation aisée.

Réglementation
Les règles relatives au travail en cas de températures élevées sont fixées dans le Titre 1 Ambiances thermiques du Livre V Facteurs d’environnement et agents physiques du Code du bien-être au travail (auparavant: AR Ambiances thermiques du 4 juin 2012). Les valeurs d’action d’exposition à la chaleur sont fixées à partir de l’indice WBGT (Wet Bulb Globe Temperature) en fonction de la charge physique de travail (voir tableau 1). Les valeurs d’action ont pour but de protéger la santé des travailleurs. Il s’agit de limites physiologiques au-dessus desquelles le risque d’effets sur la santé est réel, et non d’un indice de confort thermique comme c'est le cas pour les indices PMV (Predicted Mean Vote) et PPD (Predicted Percentage of Dissatisfied).

Tableau 1 - Exposition à la chaleur - valeurs d’action

Charge physique de travail

Indice WBGT maximum

Légère

29

Moyenne

26

Lourde

22

Très lourde

18

Si l’indice WBGT maximum est dépassé, l’employeur doit prévoir des équipements de protection collective et individuelle, offrir des boissons rafraîchissantes et installer un dispositif de ventilation artificielle dans les locaux de travail dans les 48 heures. Il est important de disposer d’un plan d’action préventif avant que la chaleur ne se manifeste, bien qu’il arrive cependant rarement que l’indice WBGT maximum soit dépassé en cas de chaleur d’origine climatique en Belgique.

Contrainte thermique sur le lieu de travail
La contrainte thermique est fréquente dans les secteurs où les processus de production nécessitent une température élevée, génèrent une grande quantité d’humidité ou se déroulent dans un environnement de travail fort chaud et très humide. Les travailleurs qui portent des vêtements de protection (par exemple contre le froid), les travailleurs actifs dans un pays étranger où la chaleur est élevée ou encore ceux qui sont occupés dans des conditions particulières (par exemple un été extrêmement chaud ou une climatisation en panne) peuvent aussi subir une contrainte thermique.
La contrainte thermique est provoquée par divers facteurs, dont les principaux sont les facteurs climatiques (température de l’air, température de rayonnement, humidité de l’air et vitesse de l’air). Les autres facteurs sont les travaux à effectuer et l’effort physique qu’ils nécessitent, les vêtements portés, l’environnement de travail, mais aussi des facteurs individuels (condition, âge, poids, équilibre hydrique, acclimatation, maladies et utilisation de médicaments). Pour pouvoir évaluer correctement la contrainte thermique des travailleurs, il est important de comprendre ces facteurs et leur influence.

Évaluation de la contrainte thermique sur le lieu de travail

Stratégie Sobane
Le relevé des risques en matière de contrainte thermique ou des risques climatiques pour la santé commence par la réalisation d’un inventaire. La méthode d’observation du ‘BIOMED research programme’ européen est fondée sur la stratégie SOBANE en 4 phases:
(1) Screening, (2) OBservation, (3) ANalyse et (4) Expertise.
Via le Screening, l’on identifie les lieux de travail posant problème en matière de climat et les sources de contrainte thermique. Cela peut se faire en effectuant une visite dans l’entreprise, en utilisant des check-lists ou s’entretenant avec les travailleurs.
L’Observation se fait à l’aide d’un système de cotation permettant de mettre certains problèmes en évidence (voir tableau 2). C’est un outil, et non une analyse des risques! Cette méthode d’observation permet de prendre une décision quant à la nécessité d’analyser et/ou de mesurer davantage la situation.
L’Analyse évalue les problèmes observés à la phase 2. Plusieurs normes sont disponibles pour évaluer la contrainte climatique.
L’Expertise est nécessaire si l’analyse signale des problèmes qui ne peuvent être résolus qu’en analysant de manière plus détaillée le climat, les vêtements, le rythme de travail et les schémas travail-repos.

Tableau 2: Système de cotation SOBANE

Cotation

- 3

- 2

- 1

0

1

2

3

Facteur

Risque de froid excessif

Zone idéale

Risque de chaleur excessive

Température de l’air

 

 

 

 

 

 

 

Humidité relative

 

 

 

 

 

 

 

Rayonnement thermique

 

 

 

 

 

 

 

Vitesse de l’air

 

 

 

 

 

 

 

Charge de travail (M)

 

 

 

 

 

 

 

Vêtements (clo)

 

 

 

 

 

 

 

Opinion des travailleurs

 

 

 

 

 

 

 

    

Méthode WBGT

NBN ISO 7243
La norme NBN ISO 7243:1996 est souvent appelée ‘méthode WBGT’. Cette méthode établit un lien entre une évaluation du métabolisme (production de chaleur interne) et des mesures de la température, de l’humidité de l’air et de la chaleur de rayonnement à l’aide d’un WBGT (Wet Bulb Globe Temperature ou thermomètre dit “globe humide”). Cette norme est un indice de chaleur empirique ‘exploratoire’ qui détermine la contrainte thermique extérieure à laquelle un individu est exposé. La méthode permet de déterminer l’effet moyen de la chaleur sur le travailleur pendant une période représentative des activités à effectuer. Si la norme s’applique bien à un groupe, aucune valeur absolue ne peut cependant être attribuée au terme de la procédure. La norme recommande d’effectuer les mesures au cours de la période correspondant à la contrainte thermique extérieure maximale. La majorité des employeurs ne disposent pas du matériel adéquat pour déterminer la température humide naturelle et la température du globe noir. Durant la phase de screening, l’employeur peut déterminer lui-même les températures de l’air sec et les humidités relatives, et donc tenter ‘d’évaluer’ la température de rayonnement. Le résultat est une approximation recourant à divers algorithmes, qui offre également plusieurs résultats finaux.

Paramètres
L’indice WBGT est calculé à partir de 3 paramètres climatiques, à savoir la température humide naturelle (thn), la température de globe noir (tg) et la température de l’air (ta), selon la formule suivante:
Sans rayonnement solaire (généralement à l’intérieur): WBGT = 0,7thn + 0,3tg
Avec rayonnement solaire (généralement à l’extérieur): WBGT = 0,7thn + 0,3tg + 0,1ta
En cas d’environnement hétérogène (> 5% de différence entre les valeurs mesurées au niveau de la tête (1,7 m), de l’abdomen (1,1 m) et des chevilles (0,1 m)): WBGT = (WBGTtête + (2 x WBGTabdomen) + WBGTchevilles) / 4
L’indice WBGT doit être déterminé pendant 1 heure, avec une circulation de l’air perceptible et des personnes acclimatées.
La norme donne des directives quant aux cycles travail/repos à appliquer en fonction des valeurs de référence du WBGT (voir tableau 3).

Tableau 3: directive pour les schémas travail-repos

Alternance du travail

Valeur de l’indice WBGT

Travail léger

Travail mi-lourd

Travail lourd

Travail très lourd

45 min travail - 15 min repos

29,5

27

23

19

30 min travail - 30 min repos

30

28

24,5

21

Si les valeurs de référence sont dépassées, des mesures doivent être prises pour réduire la contrainte thermique extérieure sur le lieu de travail. Il est recommandé d’examiner plus avant la situation de travail à l’aide de la méthode décrite dans la norme ISO 7933. Le tableau 4 résume tous les avantages et inconvénients de la méthode WBGT.

Tableau 4: avantages et inconvénients de la méthode WBGT

Avantages

Inconvénients

Indice de contrainte thermique internationalement reconnu

Nécessite des outils spécifiques

Utilisé dans le monde entier (p.ex.: American Conference  of Governmental Industrial Hygienists, ACGIH)

Les limites d’exposition sont fondées sur un outil spécifique

Bon outil de screening

Les limites ne sont pas toujours corrélées de façon linéaire au climat

Interprétation simple du temps de travail

Les outils de mesures bon marché fournissent une valeur trop élevée ou trop basse

Peut être déterminé à l’aide de données météorologiques

Des algorithmes complexes doivent être utilisés pour déterminer le WBGT sur la base des données météorologiques

 

Il ne s’agit pas d’un outil d’analyse des risques

Adapté d’après: Holmér I, Global Health Action, 2010


Méthode PHS

NBN EN ISO 7933
La norme NBN EN ISO 7933:2004 Ergonomie des ambiances thermiques - Détermination analytique et interprétation de la contrainte thermique fondées sur le calcul de l’astreinte thermique prévisible a été publiée pour la première fois en 1989. Il s’agit d’un indice de chaleur rationnel basé sur un modèle mathématique du comportement physiologique de l’être humain moyen en cas de chaleur. Cette méthode permet une estimation plus précise que celle fondée sur l’indice WBGT. Cette norme est plus complexe à l’usage, mais offre une meilleure indication des durées maximales et tient compte des échanges de chaleur, dans lesquels les vêtements jouent un rôle important. L’avantage est qu’elle donne une idée de chaque variable, ce qui permet donc de savoir clairement où les mesures peuvent être les plus efficaces (voir tableau 5). Le développement du modèle Predicted Heat Strain (PHS) a été parrainé par le programme BIOMED II de la Commission européenne. Il établit une bonne corrélation entre les valeurs observées et prévues des paramètres climatiques, du métabolisme, des vêtements et des différences intervariables.

Required Sweat Rate prediction model
La base du modèle PHS était le Required Sweat Rate prediction model. Ce modèle a été adapté en fonction de la littérature scientifique et des études de convection et d’évaporation, de la température de la peau, de la température rectale, de l’efficacité de l’évaporation,… La sudation maximale, la déshydratation maximale et la hausse maximale de la température corporelle ont aussi été reconsidérées. Ces connaissances et algorithmes ont conduit à la création du modèle PHS, qui permet de déterminer la sudation et la température rectale, ainsi que de calculer une Duration Limit Exposure (DLE), destinée à protéger 95% de la population active. Le modèle PHS a été testé par 8 laboratoires de recherche européens au cours de plus de 600 expériences en laboratoire et plus de 200 expériences sur le terrain.

Formule
La formule centrale appliquée dans ce modèle est:
M – W = Cres + Eres + K + C + R + E + S

Où:

M = métabolisme énergétique,
W = travail mécanique effectif,
Cres = convection par la respiration,
Eres = évaporation par la respiration,
K = échanges de chaleur par conduction,
C = échanges de chaleur par convection au niveau de la peau,
R = échanges de chaleur par rayonnement,
E = échanges de chaleur par évaporation et
S = chaleur interne du corps.

Le modèle démontre l’influence des différentes ambiances sur la contrainte thermique d’une personne. Il est ainsi possible de déterminer le paramètre ou groupe de paramètres à modifier pour réduire le risque résultant de la contrainte physiologique causée (= control measure modelling).
Le modèle PHS n’est applicable qu’à des personnes en bonne santé et en bonne condition physique. Si un des paramètres dépasse les valeurs admises, les personnes doivent être étroitement surveillées durant l’exécution du travail.

Comparaison avec le WBGT
La méthode WBGT est un outil de screening, suggérant la présence possible d’un problème de contrainte thermique. La méthode PHS permet de déterminer s’il existe un problème de contrainte thermique et d’adapter le travail en conséquence.
L’indice WBGT manque de validité, est simple, mais porte (souvent) à confusion: le WBGT est de 25 alors que le thermomètre indique 32 °C!
La méthode PHS prévoit l’évolution, au cours du temps, de la sudation et de la température centrale du corps (voir illustrations 1 et 2) à partir des 6 paramètres primaires (température de l’air, humidité relative, radiation, vitesse de l’air, métabolisme et isolation des vêtements).

Tableau 5: Avantages et inconvénients de la méthode PHS

Avantages

Inconvénients

Indice de contrainte thermique internationalement reconnu

Programme informatique nécessaire pour effectuer les calculs (développé en Belgique par le Prof. Malchaire), mais désormais disponible aussi gratuitement sous la forme d’une appli pour tablette et smartphone (développée en Australie au sein de l’Université du Queensland)

Très utilisé, en particulier en Europe

 

Peut être mesuré avec des outils simples

 

Peut facilement être déterminé à partir de données météorologiques

 

Peut être appliqué dans tous les climats, avec des vêtements normaux et un niveau d’activité de faible à élevé

 

Les valeurs limites sont fondées sur la charge physiologique

 

Peut être utilisé pour l’analyse des risques

 

Le ‘Control measure modelling’ est simple: établir des scénarios avec plusieurs mesures de contrôle préventives potentielles (p. ex.: accroître l’effet de la vitesse de l’air ou instaurer un schéma de travail-repos.)

 

D’après: Holmér I, Global Health Action, 2010

Conclusions
L’application mobile (appli) PHS permet de réaliser rapidement une estimation de la contrainte thermique sans avoir à recourir à des programmes informatiques effectuant des calculs algorithmiques. Elle présente également l’avantage de ne pas être un outil de screening comme la méthode WBGT, mais bien de permettre une véritable analyse des risques dans le cadre de laquelle les effets de mesures de contrôle préventives potentielles peuvent être évalués à l’aide du ‘control measure modelling’.
Le Titre Ambiances thermiques du Code stipule qu’une analyse des risques doit être réalisée. La méthode WBGT ne convient pas pour effectuer cette analyse de risques, mais est bien adaptée pour la détermination des valeurs d’action.
L’appli PHS est gratuite et permet d’aller plus loin que le seul screening.

 

Illustration 1

 

 

Illustration 2

 

Sources:
Ambiances thermiques. SPF Emploi; 2013: 1-31.
Guide pratique: Ambiances thermiques. Co-Prev; 2013: 1-47.
Ambiances thermiques de travail. Série Stratégie SOBANE. La gestion des risques professionnels. SPF Emploi; 2005: 1-100.
Travailler par temps froid ou chaud. Comité National d’Action pour la sécurité et l’hygiène dans la Construction (CNAC) Dossier N° 134; 2012: 1-40.
Klimaat. Hoofdstuk 23. Welzijn op het Werk: IV Omgevingsfactoren en fysische agentia. Institut Provincial de Sécurité (PVI); 2013: 1-19.
Predicted Heat Strain (PHS).  User Guide 2016. http://www.thethermalenvironment.com/wp-content/uploads/2016/09/PHS-App-...
Thermal Environment. Student Manual. OH Learning.com Advanced Occupational Hygiene Worldwide; 2016: 1-205.
Travail à la chaleur et confort thermique. INRS NS 184; 1999: 1-60.
Holmér I. Climate change and occupational heat stress: methods for assessment. Global Health Action 2010; 3 (1): 5719.


Auteurdr Wim Van Hooste, médecin du travail chez Mediwet

: preventFocus 06/2018