Dans les entreprises publiques aussi
En marche vers le changement
La sécurité et les performances en matière d’accidents du travail n’ont pas toujours été une priorité à La Louvière avec, pour corollaire, de très mauvaises statistiques et des primes d’assurance élevées. Les autorités communales se sont rendu compte, sous l’impulsion de leur assureur P&V, de la nécessité d’introduire une nouvelle culture d’entreprise et se sont engagées à mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation en matière d’accidents du travail.
Un programme ambitieux a été mis en place. But déclaré: favoriser l’implication de la ligne hiérarchique, le chaînon essentiel dans une politique de prévention sans lequel rien ne se fait. Véritable pilier de toute politique de prévention, la ligne hiérarchique moyenne joue un rôle-clé: elle assume la gestion de cette politique au quotidien, elle assure le relais entre le management et le personnel.
Sensibiliser et informer le personnel communal
La première étape mise en œuvre consistait à sensibiliser et informer le personnel communal. Il était, en effet, évident que le bât blessait sur ce plan-là et que le personnel n’était guère conscient de l’importance du bien-être au travail. La réalisation pratique de ce projet a été confié à Prevent. A l’instar des programmes développés dans les grandes entreprises privées, une formation alliant acquisition de compétences et travail sur le comportement a été organisée. La formation concernait tous les niveaux de la hiérarchie. La durée et le type de formation à assurer a été modulé en fonction du public-cible et de son implication dans la gestion directe de la sécurité (voir tableau 1).
Tableau 1 –Programme de formations
Public | Type de formation(durée) | But | Nombre de personnes concernées |
Collège des Bourgmestre et Echevins | Session d’information (2-3 heures) | Expliquer aux participants les différentes tâches et responsabilités en matière de prévention. | 12 |
Cadres supérieurs | Sensibilisation (une demi-journée) |
Amener les participants à: - prendre conscience de leurs responsabilités en matière de prévention; - mieux cerner le rôle qu’ils ont à jouer dans la création, le développement et le soutien d’une politique de prévention efficace. |
63 |
Cadres opérationnels | Formation plus étoffée (deux jours) | Amener les participants à acquérir les connaissances et les compétences les rendant aptes à assumer efficacement leur rôle d’implantation et de gestion de la politique de prévention. | 84 |
Les discussions qui ont eu lieu à l’occasion de ces formations ont été constructives. Certains participants, qui, au début, se montraient sceptiques face au projet et ses objectifs, ont découvert au fil du temps le bien-fondé et la nécessité de ce dernier. Ils étaient plus conscients de leurs responsabilités et motivés à s’engager dans la politique de prévention. "Le projet de sensibilisation a déjà clairement porté ses fruits, explique Rudy Ankaert. Les conseillers en prévention m’ont confié qu’ils recevaient de plus en plus de questions, de demandes d’avis,…"
Redynamiser le comité de concertation de base
La deuxième étape était de rendre vie au comité de concertation de base, dont le mode de fonctionnement méritait d’être revu. "Le comité de concertation de base débattait de points très techniques pendant des heures, se souvient le secrétaire communal. Il ne se réunissait que deux fois par an. Le taux d’absentéisme était très élevé."
La redynamisation de ce comité a débuté par l’établissement du plan annuel et du plan global. En effet, pour remplir les obligations légales, le plan annuel d'action doit être basé sur le plan global de prévention et contenir les objectifs prioritaires à atteindre en matière de bien-être au travail pour l'année suivante; les moyens et méthodes à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs; les missions, obligations et moyens de toutes les personnes concernées. Il doit être établi par l'employeur en concertation avec les membres de la ligne hiérarchique, les services interne et externe pour la prévention et la protection au travail.
Comment tout cela a-t-il été mis en place à La Louvière? "Pour que la ligne hiérarchique puisse participer à l’élaboration des plans de prévention, des groupes de travail correspondants aux différents secteurs d’activité (crèches, incendie, travaux, femmes d’ouvrages…) ont été mis sur pied. Le but était de préparer des plans de prévention propres aux secteurs et de les intégrer ensuite dans un plan général. La coordination et le pilotage de ces groupes a été confiée à un responsable des ressources humaines. Ce dernier était chargé de veiller à ce que les différents groupes travaillent à la rédaction du plan global. Le conseiller en prévention était présent dans chaque groupe. Le résultat: un plan global à partir de 2004 et un plan annuel 2005. Savez-vous que certains de mes collègues secrétaires communaux ne connaissent même pas le mot "plan annuel"? La Louvière est pionnière en la matière".
Groupes de travail
Cette approche, basée sur des groupes de travail, a eu des effets très positifs. "Tout d’abord, elle a permis aux ressources humaines de se réapproprier le thème: avant, seuls les deux conseillers en prévention s’occupaient de prévention. Ensuite, l’existence de ces groupes a facilité la résolution de petits problèmes, qui n’étaient auparavant pas à leur place dans le comité de concertation de base. La discussion sur la politique du bien-être est, en outre, devenue plus qualitative. Elle a donné lieu à la production d’un rapport sur la charge psycho-sociale dans le cadre du bien-être au travail par la psychologue du service externe Arista, de même qu’à une analyse de l’absentéisme (accidents de travail, congés de maladie,…). L’étude RH a porté sur les pathologies retrouvées et a relevés des faits, des chiffres, des statistiques,… Enfin, au niveau du conseil échevinal, le bourgmestre se rend compte qu’il y a une amélioration et veille à ce que ce qui est proposé soit réalisé (c’est pourquoi l’échevin des travaux participe aux réunions)."
Le plan annuel d'action est présenté au comité de concertation de base, qui se réunit quatre fois par an. Le suivi de ce plan a donc lieu lors de chaque comité, soit tous les trois mois.
Ce suivi ne se passe encore de manière optimale. "Nous planchons pour le moment sur le tableau utilisé pour suivre l’évolution des mesures décidées. C’est ainsi que l’agencement, par exemple, sera modifié pour prendre en compte les mesures qui n’ont pas été réalisées. Il est important de pouvoir visualiser ces points: d’un côté, pour pouvoir se questionner sur le problème rencontré (budget,…) et, de l’autre, pour pouvoir responsabiliser les personnes chargées de leur mise en œuvre."
La problématique des accidents du travail
Les membres du personnel et de la hiérarchie des différents services étaient peu sensibilisés à la problématique des accidents du travail. Ils manquaient également d’information sur le sujet. Pour les motiver, il a donc été décidé de publier régulièrement les statistiques d’accidents du travail. Les conseillers en prévention les établissent désormais chaque mois, secteur par secteur. Ils sont encore actuellement confrontés à la difficulté de disposer des chiffres corrects pour déterminer les heures prestées, mais ce problème sera résolu par l’introduction d’un système de pointage dans le courant de 2005.
Le suivi des accidents du travail faisait également défaut. "Les déclarations d’accident étaient établies par l’agent et le cabinet médical (composé de médecins contrôleurs, mais qui géraient également la déclaration d’accident du travail vers l’assureur). Comme ces déclarations n’étaient pas systématiquement visées, ni par le responsable direct de la victime, ni par le responsable du service, ces derniers n’en étaient pas avertis. Or, il est important qu’elles soient aussi validées par le chef de service! Cela lui permet de jouer son rôle de responsable et de prendre action par rapport à une machine défectueuse, par exemple."
Le Conseil communal a, en outre, accepté la création d’une commission des accidents du travail. Cette commission sera consultée pour examiner, à l’appel du SIPP, les cas à problèmes. Sur cette base, l’accident sera accepté ou refusé. La commission sera composée d’un représentant des ressources humaines, du SIPP, du service concerné et de l’agent impliqué. Un avis circonstancié pourra être rendu à l’assureur. Cette commission fonctionnera à son rythme de croisière au début 2005.
"Ce point est essentiel car il permettra à l’administration communale et, en particulier, à la ligne hiérarchique, d’analyser les accidents et de proposer des mesures de prévention", souligne le secrétaire communal.
Formation du personnel communal
La sensibilisation ayant globalement porté ses fruits, le nombre de formations relatives à la prévention organisées par l’administration communale est en hausse (p.ex. formation machines dangereuses pour le service des travaux,…). Les conseillers en prévention sont consultés et participent à ces formations.
Mais la situation n’est pas encore parfaite pour autant. L’administration communale réfléchit actuellement à la mise sur pied d’une nouvelle formation, destinée cette fois à un groupe bien précis: les brigadiers des régies communales.
"La sensibilisation de l’encadrement intermédiaire (brigadiers) dans les régies communales doit être améliorée. Dans cette fonction, la promotion se fait sur base de l’ancienneté. Certains brigadiers n’ont pas conscience de leur rôle. Ils ont des difficultés pour assumer correctement leurs missions en matière d’accidents du travail. Et ce, malgré une formation diversifiée (gestion de conflits, évaluation et gestion du personnel,…) reçue en 1999-2000. L’idée serait donc de développer un nouveau cours de sensibilisation orienté, cette fois, vers les régies communales."
Règlement de travail
La politique de prévention doit pouvoir s’appuyer sur un bon cadre réglementaire, qui intègre les notions de prévention, de protection et de bien-être au travail et précise les tâches et les missions de chacun en matière de sécurité. Ce cadre réglementaire permet de donner des moyens d’actions au service de gestion des ressources humaines.
Le règlement général de la Ville de La Louvière serait trop lourd s’il contenait également le détail des dispositions relatives au bien-être au travail, secteur par secteur: "Le règlement de travail de la Ville La Louvière et du CPAS encadre tous les autres règlements. Il sera adapté par le conseil communal au premier semestre 2005. Le règlement général serait trop fourni s’il intégrait les dispositions propres à chaque secteur de l’administration. Pour le bien-être au travail, nous rédigerons un règlement par secteur".
L’adaptation du règlement de travail introduira plus de gradation dans les sanctions, peu nombreuses à l’heure actuelle. "Je reçois tous les 15 jours un rapport sur les problèmes de sécurité. En cas d’infraction, comme par exemple l’utilisation d’une remorque non fermée ayant entraîné la chute d’un appareil, je n’ai actuellement, si des contractuels sont impliqués, que deux sanctions: avertissement ou licenciement."
Communication interne
Une bonne communication en matière de prévention est essentielle si on souhaite sensibiliser et motiver son personnel. Comme les messages "sécurité" émis par l’administration n’étaient pas suffisamment perçus par le personnel et que leur contenu passait difficilement, le journal interne a également été redynamisé. Le thème de la sécurité n’a pas été oublié et il y a désormais un article sur le bien-être au travail par numéro.
Renforcement du service SIPP
Il faut donner les moyens au service interne de prévention d’accomplir ses missions. Ce service SIPP ne comprend actuellement que deux conseillers en prévention, qui devraient s’occuper de la Ville, du CPAS et de l’enseignement. Une demande de la police et de l’asbl Maison du sport a également été introduite. Le SIPP va donc être étoffé grâce à un renfort de conseillers en prévention (à former) en provenance du CPAS et de la police et à l’arrivée de deux aides administratives.
Développements prometteurs
Il convient de souligner le caractère particulier de ce programme, qui fait de la Ville la Louvière une pionnière. Cette démarche n’est pas fréquente dans les administrations communales, peu nombreuses encore à se lancer dans une politique visant à améliorer leurs performances en matière de bien-être au travail. Le manque de connaissance de la problématique explique sans doute les retards des administrations publiques dans ce domaine.
Si la démarche était à la base poussée dans le dos par l’assureur P&V, elle a ensuite été suivie par une dynamique volontariste de la part des autorités de la ville et en particulier de son secrétaire communal.
L’exemple de la Ville de La Louvière démontre que, dans les administrations communales comme dans des entreprises publiques, des réalisations visant à impliquer plus étroitement la ligne hiérarchique dans la prévention sont possibles. Toutes ces actions ne sont pas encore achevées, il reste encore beaucoup de choses à développer mais les pistes visitées se sont révélées positives et prometteuses. L’administration de La Louvière est sur la bonne voie. De nombreuses actions pratiques sont prises, des groupes de travail sont mis en place, le plan global de prévention est alimenté et utilisé, les conseillers en prévention sont impliqués dans de nombreux projets,…
Mais l’intérêt au niveau du secrétariat communal demeure constant, ce qui est un facteur de succès presque assuré. Sans implication de la hiérarchie, rien ne se fait…
(MARGE)
La Louvière
La Ville de La Louvière est le plus gros employeur public de la région: 2250 personnes y travaillent:
900 personnes (administration)
300 personnes (police)
350 personnes (CPAS)
1000 personnes (enseignement).
Harcèlement moral
La Louvière a également été précurseur en matière de harcèlement moral. Cela a commencé par un programme de prévention de l’alcoolisme, mené par le médecin du travail et un psychologue. La discussion qui a suivi le diagnostic a fait que, de fil en aiguille, on en est arrivé à parler du mal-être au travail. Les autorités se sont rendu compte qu’elles étaient bien dépourvues et désarmées face à un agent qui en était victime. Il a donc été décidé d’établir une procédure. Elle a été officialisée en 6-7 mois. En juin 2001, il y avait donc déjà une procédure en matière de prévention et répression du harcèlement moral et sexuel. Elle a eu un effet "mise au point" qui a entraîné une baisse du nombre des dossiers.